Journalisme : quand Mélenchon se comporte comme un vrai gros con

Posted on 30 mars 2010

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Rendons à César ce qui est à Guy Birenbaum. Sans son billet du jour, je n’aurais sans doute pas relevé cette sortie de Jean-Luc Mélenchon. Mais, vous verrez en allant le lire, mon appréhension du coup de sang du responsable du Parti de Gauche est largement différente de celle du blogueur chroniqueur sur Europe 1, Arrêt sur images, BFMTV, LePost jusqu’à il y a peu… (j’en oublie ou ignore).

« Jean-Luc Mélenchon, la “sale corporation voyeuriste et vendeuse de papier”, les “sujets de merde” & le “métier pourri”… , titre le blogueur reconnu par les médias, qui apporte un soutien aux critiques d’un politicien qui occupe des mandats depuis 1983 selon sa notice Wikipédia (et oui près de 30 ans). Un soutien que je partagerais… en connaissant un peu le sujet de l’intérieur en tant que salarié (de ceux défendus par le député européen de gauche ?) d’un groupe de presse, si la méthode n’était d’une violence verbale aussi pitoyable.

On se souvient comment tout le monde est tombé à bras raccourci, et avec raison, sur le comportement de Xavier Bertrand il y a quelque temps avec un journaliste de PQR sur le plateau de Public Sénat. Avec raison. Sauf que son embonpoint acquis à la soupe des mandats, sous prétexte qu’il est classé à gauche, doit-il  protéger Mélenchon ?

La réponse est clairement non. Il s’en prend ici en termes violents et de toute la petite hauteur que lui confère on ne sait trop quoi à quelqu’un placé dans une situation où il peut guère se défendre et où il n’est pas là pour ça mais pour taffer et ramener un son ou des images à ses patrons. Etudiant en journalisme et précaire, @felixbriaud ne peut que servir de punching ball (bon si la vidéo buzze un peu cela va aider à son personal branding – quelle notion idiote – et faire accroître ses followers 😉 ). Réflexe corporatiste que le mien ? Pas sûr, j’y reviendrai. Et on se prend à penser « qu’il essaye avec moi le Méluche et je lui aurais fait fermer sa grande gueule de bourgeois, qu’il est, lui, réellement, avec une claque si nécessaire ».

Parce que, on y vient, Mélenchon se comporte d’autant plus en gros naze sur le coup qu’il sait très bien à qui il s’adresse d’une part et que, surtout et d’autre part, si le fond du débat est bien réel (je suis là en accord avec @lediazec une des plumes de Ruminances), il demande une approche un peu moins au ras des pâquerettes. Se prétendant de gauche – et  je crois quand même volontiers plus à son engagement qu’à celui de certains -, il ne peut faire fi des conditions de production et du fait que le mec face à lui est au mieux la petite main d’un système. Il ne peut feindre d’ignorer que bien des journalistes ne sont pas très à l’aise avec la tournure que prend la presse.

Les critiques émanent en nombre de l’intérieur du métier et, s’il veut avoir un débat de fond sur la question, que n’a-t-il pris la peine de rencontrer des organisations syndicales de journalistes, des journalistes en poste (du Parisien par exemple puisqu’il les vise ici), des analystes des médias… ? Et, pourquoi pas même, quelques responsables de rédactions, rédacteurs en chef honnêtes (il en reste) placés sous la pression de patrons et actionnaires qui voient les ventes chuter et, surtout, ne pensent plus que courbes et ratios.

Les titres de « Une » soi-disant miracles et racoleurs, le choix de privilégier une information de surface et prétendument grand public… bien des professionnels connaissent. Beaucoup s’en inquiètent. Quelques uns tentent de s’y opposer. D’autres on fait une croix sur leur vision « idéale » d’un métier. Un petit nombre « collabore » et embraye dans cette direction critiquable. Rappelons quand même à Mélenchon qu’un journal (et autres médias) est une entreprise avec un contrat de travail subordonnant le salarié – fut-il journaliste – à son employeur. Sans parler du fait qu’il serait bien plus crédible en interpellant un patron de presse de cette manière plutôt que de jouer le fier à bras au coin du bois.

Je n’ai guère l’habitude de parler « boutique » ici. Et je ne suis pas très corporate en général, plutôt enclin à constater comment un métier passe au travers des évolutions liées aux nouvelles technologies et se laisse aller à des ressorts peu défendables. Mais pour le coup, on a à faire à quelqu’un qui met le pied en touche et se laisse aller à l’anathème facile plutôt qu’au débat que mérite la question soulevée. En rapide: à un gros con. De ceux que l’un de mes premiers chefs de service aurait, quitte à se péter sur le sujet avec sa direction et à résister à son patron, décidé d’une voix caverneuse de mettre « tricard » pour de tels propos, reprenant « l’info sur son parti à la con pour ne pas baiser le lecteur mais sans lui donner la parole tant qu’il se sera pas excusé auprès de mes gars » (j’imagine là hein mais ça aurait été le ton).

Paradoxe, sur l’affaire, Méluche bénéficie de l’évolution de la presse donc 😀

[Note: je ne prends pas la peine de relever ni citer ici quelque blogueur apparatchik qui s’escrime via Twitter sur le sujet auprès du jeune auteur des images et qui cherche un champ pour poser un ego aussi grand que son niveau est bas.
Et je reste de ceux qui pensent que bien des blogueurs auraient des conseils à donner aux professionnels de la profession, que ce soit dans l’utilisation des outils ou sur la qualité et pertinence des contenus… ]
Posted in: humeur, Médias, Web